Après une longue discussion (4h) il y a deux semaines, à propos de l'évolution des moeurs et du mariage avec Iyad, mon colloc palestinien, on en est arrivé à ces conclusions :

L'engagement devant témoins, un facteur de robustesse
Tout homme a en lui une part qui est sensible au regard des autres. Prédominante en Asie, et plus faible voire minime en occident, où de plus en plus de gens affirment agir de leur propre chef, travailler pour eux-mêmes, s'habiller comme ils veulent...

Cette part de sensibilité en nous rend possible un phénomène, qui est celui de l'engagement devant témoins. Avec un engagement de ce type, il devient plus difficile d'abandonner. Plus noter sensibilité au regard des autres est grande, plus l'engagement devant témoins est puissant.

Le mariage, en plus d'être un symbole d'engagement, contient alors cet effet de renforcement du couple : on annonce devant tout le monde qu'on est ensemble, il devient donc plus difficile de se séparer.

Il est intéressant de constater que dans les pays où le mariage recule, on trouve aussi la tendance croissante de cet individualisme qui se moque de ce que les autres pensent et veulent. Dès lors, tout semble plus clair : c'est parce que les gens deviennent insensible au jugement des autres que le mariage perd d'une part de son sens, de son rôle, de son efficacité en tant que facteur de cohésion, et donc le recul de cette pratique apparaît logique.

Robustesse d'une résolution, mais pour quoi ?
Prenons le cas simple de quelqu'un qui veut faire de l'exercice tous les matins. Il imagine qu'il y aura des matins où il n'aura pas la motivation de continuer. Il va donc utiliser la stratégie de l'engagement devant témoins, et prévenir un proche de sa résolution. De cette façon, il trouvera une incitation supplémentaire pour persévérer. On voit donc que pour un travail de longue haleine, ce type d'engagement est un outil précieux.
Question subsidiaire :

L'homme qui fait de l'exercice le fera-t-il pour lui-même, ou bien pour ne pas décevoir celui qu'il a prévenu ?


Ma réponse serait, un peu des deux ! Mais avec une grande nuance : on a choisi de se donner la contrainte du témoin dans le but de tenir son propre engagement. Indirectement, j'ai envie de dire que l'ensemble de l'activité n'est guidé que par le désir initial de tenir l'engagement. Satisfaire le témoin, ou ne pas le décevoir, ne devient qu'un but intermédiaire, délibérément choisi.

Dans un cas plus complexe comme le mariage, augmenter la cohésion du couple quand on a l'intention de le maintenir toute la vie, oui c'est cohérent et je vais tenter de l'expliquer. La question se pose vraiment lorsqu'il commence à y avoir beaucoup d'enjeu, le plus important d'entre-eux étant l'enfant. Je pense qu'on peut admettre que l'absence de séparation profite à l'enfant....dans une certaine mesure tant que le climat n'est pas trop mauvais à la maison !
Mais là, question :

Vaut-il mieux pour l'enfant avoir un foyer entier dans un climat tendu, ou bien naviguer entre deux foyers éclatés recomposés ? (et peut être rerecomposé)


La séparation est sans doute ce qui affectera le plus l'enfant, sauf dans les cas où le climat familial est vraiment violent et où la séparation est préférable. Cela dépend aussi de l'âge, car plus l'enfant est jeune, plus il est affecté dans son développement, et donc plus le maintien du couple devrait être favorisé. A ce propos, attention : ce n'est pas parce qu'un nourrisson ne pleure pas de ne plus voir son père qu'il n'en est pas profondément perturbé.

Le risque d'invoquer la fatalité du divorce
Il apparaît donc clair que les parents peuvent faire des efforts supplémentaires pour maintenir un climat stable et propice à l'enfant, et ne pas céder facilement à la colère et la rupture. Dans ce cas, il y a une concurrence entre le confort des parents et celui de l'enfant. Peut être que dans nos sociétés occidentales où l'on donne priorité à l'enfant, on a trop insisté sur le maintien des couples... A l'inverse de nos jours, comme la satisfaction personnelle revient à la hausse, on tolère bien mieux que des couples fassent des enfants et se séparent !

Il y a certains cas où il n'y a pas assez de ressources ou de volonté pour pallier au manque d'harmonie et aux accidents. Mais ces cas sont rares et difficile à prévoir je pense. Le problème est que ces cas, ajouté à m'imaginaire commun, font croire qu'il n'existe que 2 situations : l'amour pour la vie, ou bien le divorce fatal ! Soit c'est la vie en rose, soit on a des problèmes...
C'est la que je pense c'est une image fausse car rien n'est jamais facile ni gagné d'avance. On est malheureusement vite tenté de dire que si on surmonte des difficultés, d'autres plus grandes viendront ensuite, alors mieux vaut se séparer avant de se taper dessus...
Je ne crois pas qu'il y ait de fatalité, juste des prédispositions, de l'intuition, puis de la volonté, de la confiance, des idées, des accidents et bonnes surprises.

Une solution méthodique pour gérer cela me vient, elle vaut ce qu'elle vaut :

  • d'abord, évaluer ce qui est en jeu : seulement la relation ? Des biens achetés en commun ? Une famille fondée ?
  • ensuite se poser la question de l'état actuel :
    • combien le climat me pèse-t-il ?
    • quels efforts je fais pour l'améliorer ?
    • comment cela affecte-t-il le conjoint, les enfants s'il y en a ?
  • (A ce niveau là, il suffit de doser ses efforts en fonction de la priorité que l'on donne à son propre bonheur et à celui de ceux qui nous entourent. Question de culture, de mentalité, je ne discuterai pas cela ici.)
  • puis pour décider s'il faut se séparer, il faut évaluer les dégâts que ça causerait pour ce qui est en jeu, l'enfant principalement s'il y en a.
  • Il devient raisonnable de se séparer lorsque, malgré nos efforts, la situation de vient nettement plus néfaste pour l'enfant que le serait une séparation du couple.

Ce qu'il faudrait éviter je pense, ce sont des répliques du genre : "bien sûr c'est terrible pour l'enfant, mais au rythme où ça allait, ça aurait été pire tôt ou tard..." Non, pas de vague allusion à la fatalité : la moitié des couples arrivent à tenir, et ce n'est pas parce que c'était gagné d'avance !

Le mariage dans tout ça ? Comme je l'ai dit, il apporte entre autres un supplément de cohésion, en étant un engagement devant témoins, à condition qu'on soit sensible aux regards des autres. Il y un seul cas où il est contrefficace et néfaste, ce sont les cas où malgré toutes les ressources et efforts, le couple n'est pas assez armé pour faire face à son manque d'harmonie ou aux difficultés extérieures. Dans ces rare cas là, mieux vaut limiter les dégâts et arrêter tout de suite… mais comment savoir d’avance si on ne sera pas capable de faire face aux difficultés ?
Dès lors, il me semble clair que, quand on se sent capable de tenir jusqu’au bout, il ne faut économiser aucune ressource, et aller se marier devant témoins ! (NB : vous remarquerez que je n’ai pas distingué le mariage religieux ou civil, car tout les deux sont devant témoins.)


Je ne voudrais pas donner de leçons avec ce texte, j'aurais beau jeu de le faire, moi qui vis dans une famille toute tranquille, et qui n'en a jamais fondée ! Je voulais juste partager des idées, et vous inviter à y réagir...

PS : wow quel volume ! Bon, ça ira en café du commerce :p