(Écouter)

La ville s`endormait
Et j`en oublie le nom
Sur le fleuve en amont
Un coin de ciel brûlait
La ville s`endormait
Et j`en oublie le nom
Et la nuit peu à peu
Et le temps arrêté
Et mon cheval boueux
Et mon corps fatigué


Et la nuit bleu à bleu
Et l`eau d`une fontaine
Et quelques cris de haine
Versés par quelques vieux
Sur de plus vieilles qu`eux
Dont le corps s`ensommeille


La ville s`endormait
Et j`en oublie le nom
Sur le fleuve en amont
Un coin de ciel brûlait
La ville s`endormait
Et j`en oublie le nom
Et mon cheval qui boit
Et moi qui le regarde
Et ma soif qui prend garde
Qu`elle ne se voit pas


Et la fontaine chante
Et la fatigue plante
Son couteau dans mes reins
Et je fais celui-là
Qui est son souverain
On m`attend quelque part
Comme on attend le roi


Mais on ne m`attend point
Je sais depuis déjà
Que l`on meurt de hasard
En allongeant les pas


La ville s`endormait
Et j`en oublie le nom
Sur le fleuve en amont
Un coin de ciel brûlait
La ville s`endormait
Et j`en oublie le nom
Il est vrai que parfois
près du soir Les oiseaux
ressemblent à des vagues
Et les vagues aux oiseaux
Et les hommes aux rires
Et les rires aux sanglots


Il est vrai que souvent
La mère se désenchante
Je veux dire en cela
Qu`elle chante
D`autres chants
Que ceux que la mère chante
Dans les livres d`enfants
Mais les femmes toujours
Ne ressemblent qu`aux femmes
Et d`entre elles les connes
Ne ressemblent qu`aux connes
Et je ne suis pas bien sûr
Comme chante un certain
Qu`elles soient l`avenir de l`homme


La ville s`endormait
Et j`en oublie le nom
Sur le fleuve en amont
Un coin de ciel brûlait
La ville s`endormait
Et j`en oublie le nom
Et vous êtes passée
Demoiselle inconnue
À deux doigts d`être nue
Sous le lin qui dansait.

Jacques Brel