Je n'ai pas l'habitude de me regarder des films seul, mais hier ma générosité m'a laissé regarder "Cube Zero". (merci le Matthieu)

Excellente surprise, avec des ajouts très intéressants par rapport au concept initial déjà génial: un groupe de personnes diverses se retrouve sans raison apparente dans un labyrinthe formé de salles cubiques dont certaines sont mortellement piégées. L'environnement oppressant et absurde conduit le groupe à une coopération mêlée de méfiance, car chacun suspecte que les autres en savent plus qu'eux sur le "où", "qui", "pourquoi", et "comment sortir".

Le premier épisode était minimaliste, psychologique, sombre et horrible (d'un raffinement aussi malsain que superflu...). Le second était toujours en huis clos mais davantage orienté science fiction, lumineux et avec moins de sauce tomate.

Ce troisième volet se situe avant les évènements du premier, et innove en nous plaçant du point de vue des opérateurs du Cube. Des techniciens recevant des ordres "d'en haut" et exécutant des procédures sur les prisonniers du Cube "en bas". Révéler l'envers du décor ne fait qu'amplifier l'absurdité de la structure, semblable à une hiérarchie autoritaire, opaque et Kafkaïenne ! Des personnages du niveau supérieurs interviennent au cours du film, dont le charismatique Mr Jax en costume raffiné et avec des manies de psychopathe. La musique d'accordéon l'accompagnant est un régal pour suggérer avec vie le processus dramatique qui s'enclenche. Un coup de téléphone nous montre que malgré sa fantaisie et sa désinvolture il est lui même soumis à une autorité anonyme.

Un sursaut de conscience pousse le héro à prendre le luxueux ascenseur d'où leurs viennent les ordres et les repas sur un plat en argent. Le symbole de la scène est magnifique lorsqu'il se retrouve devant le choix d'aller "en haut" pour comprendre davantage et se confronter à ses supérieurs, ou bien "en bas" pour mettre à profit ce qu'il sait et tenter de sauver les victimes.

Le Cube est une prison meurtrière, barbare, et ils en sont les opérateurs. On leur a dit que les prisonniers sont des condamnés à mort ayant signé un contrat selon lequel ils acceptent d'être placés dans le Cube.
La fin du film révèle que ces opérateurs sont eux même dans la même situation, des condamnés en sursis ayant oublié qu'ils ont signé une lettre de consentement. Eux qui pensaient que "bien faire leur travail" les préserveraient de l'horreur qu'ils font subir se retrouvent dedans. Et la pyramide fasciste-barbare se réveille trop tard... (crouit crouit, ndlr)

La ressemblance avec l'expérience de Milgram est claire. A la suite du procès d'Eichmann, ce chercheur a voulu déterminer si les collaborateurs des crimes Nazi avaient agit par conviction ou bien par soumission à l'autorité. L'expérience a montré que l'obéissance en dépits de ses convictions personnelles était bien plus forte qu'on ne le pensait. Dans l'expérience, deux volontaires croient participer à un test sur la mémoire, le premier devant répondre à des questions et le deuxième devant infliger des punitions croissantes par choc électrique en cas de fausse réponse. En réalité seul le punisseur est testé, le volontaire répondant au question est un acteur simulant la douleur. Le punisseur a été assuré d'être déchargé de toute responsabilité en cas d'accident, mais se voit progressivement pris en tenaille entre sa conscience et sa soumission au protocole.

Le film de 1979 "I... comme Icare" contient une scène célèbre qu'on pourrait qualifier de double Milgram: Un juge observe l'expérience de Milgram sans en connaître le simulacre, et demande d'interrompre le processus lorsque les punitions arrivent à des seuils très dangereux. On lui explique alors l'absence de danger, mais lui s'indigne que le punisseur continue à s'exécuter. On lui réplique que lui même est resté sans intervenir jusqu'à maintenant seulement ! (et toc)

Ouais ouais, bien sinistre tout ça... enfin, la psychologie est un de ces autres domaines qui me passionnent !