Un escapade à Clisson m'a fait redécouvrir à quel point je suis un amoureux des parfums naturels, tant pour leur saveur immédiate que pour leur capacité à m'évoquer des souvenirs saisissants. Depuis un an j'ai commencé à faire la liste de ces madeleines de Proust. Au début je les considérais comme des portes olfactives vers des fragments de souvenir, des sortes de vortex spatio-temporels cachés dans les endroits les plus ordinaires, prêt à emporter le voyageur le temps d'une inspiration.

En fait, je vois maintenant que l'action de réminiscence affecte le souvenir exploré. Une première visite dans un coin de souvenir peut se limiter à redécouvrir un fragment d'univers incomplet... que l'on va progressivement reconstruire, par la réflexion de l'historien comme par la rêverie créatrice de l'artiste. A mesure que l'on retourne dans ce fragment de monde, on le construit, l'aménage, le pont qui nous y conduit se consolide.

Non seulement on va développer et construire l'univers du souvenir, mais inévitablement ce "lieu" se trouvera associé au lieu de la réminiscence. J'en fais l'expérience avec l'habitude que j'ai chaque matin de pincer un épi de lavande en arrivant à EDF. Je suis sûr que maintenant ce parfum sera autant connecté à l'univers provençal de mon souvenir qu'au lieu de travail d'EDF. Au final, les parfums sont comme des cordes sur lesquelles on va, volontairement ou non, enfiler des perles de souvenirs. La corde est un fil rouge reliant instantanément ces "lieux" et servant de pont pour les visiter ou les aménager. Ce tissage de souvenirs donne du volume au temps passé, et le fait percevoir comme un vaste ensemble de petits univers au sein duquel les cordes de parfums permettent d'aller partout à partir de n'importe où, et réciproquement.

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