Sur les bords de la piscine, les discussions philosophiques vont bon train. Les psychologues iraniens aiment souvent parler d'amour, et les hommes d'affaires sud-africains, d'économie. Comme j'ai l'agaçante habitude de toujours prendre une position inverse à celle de mon interlocuteur, je me suis retrouvé à défendre le "Nationalisme économique" devant Bernhard, le businessman Boer.

Dans ces paragraphes, on utilisera pas mal les verbes "prendre" et "donner". Ce sont des raccourcis pour désigner des gains et des pertes économique au sens large.

Bernhard commençait en rejetant en bloc cette attitude, en opposant deux typologies : celui qui pratique le gagnant-gagnant, et celui qui est égoïste. Il a admis par la suite que cet égoïsme est un composante vitale dans une mesure minimale : chaque être vivant à un instinct de sauvegarde, qui lui dicte de se sauver lui même avant de s'occuper des autres. Mais alors, où est la limite entre l'auto-sauvegarde légitime et la soif d'accaparer toujours plus, fatalement au détriment des autres ? Doit-on garder comme règle de s'offrir toujours le même niveau de confort que les autres, en combattant les inégalités sans jamais donner plus qu'on ne garde ? Mathématiquement facile à appliquer, mais la perception de besoin et confort varie suivant les individus...

Contre cette vision binaire entre Altruiste et Égoïste, on peut construire un modèle avec 4 groupes : ceux qui prennent sans donner (avides), ceux qui donnent mais n'arrivent pas à prendre (abusés), ceux qui refusent de donner quitte à ne plus prendre (farouches), et ceux qui acceptent de donner comme ils prennent (équitables). On voit alors que les farouches apparaissent en réaction à un danger, craint ou avéré, venant d'un avide. Ces mêmes avides semblent apparaître naturellement lorsqu'un équitable devenu puissant va abuser un autre, devenant abusé, en lui imposant un commerce déséquilibré. Donc tout part en vrille à cause d'inégalités de pouvoir, créant des inégalités de commerce. Ce pouvoir peut être financier, militaire, technologique, etc. Un organisme politique indépendant doit donc arbitrer (l'OMC par exemple), mais cette indépendance vis-à-vis d'autres pouvoirs est bien difficile.

Pour faire la connexion avec une autre discussion remontant à ma collocation avec Iyad en Suède, même les comportements les plus équitables, coopératifs ou voire même altruistes pourraient avoir une base purement égoïste. En effet, satisfaire un désir personnel pourrait être l'unique motivation. Ce désir peut être très complexe, comme désirer le soulagement d'une autre personne, désirer se voir humble et louable. Ce raisonnement trouve une limite dans les cases de suicide au nom d'une idée ou d'une personne, car comment l'organisme pourrait admettre que son autodestruction soit en sa propre faveur ? Cela fait émerger d'autre notion, telle que le sacrifice au bénéfice d'un pair ou de la communauté.

Bon, maintenant il faut conclure un peu sur tout ça. On voit que le protectionnisme (le farouche) arrive comme une réaction légitime face à la menace de partenaires puissants et un peu trop avide. Donc avant de reprocher aux pays de fermer leur frontières, il faut assurer un environnement équitable en neutralisant les inégalités de puissance. (sans avoir pour autant besoin de les effacer)


PS : Il faut préciser que le terme "protectionniste" est parfois utilisé pour désigner ceux qui refusent de donner mais se permettent de prendre. Dans mon schéma, ces personnes font parti des avides, profitant de leur position de force. Un partenaire n'ayant pas cette position de force et se comportant ainsi se verra à son tour refuser de prendre, et deviendra donc protectionniste (farouche) au sens où je l'ai défini : refuse de donner quitte à ne plus pouvoir prendre.

extrait de "L’économie pour les nuls"